LA PROBLEMATIQUE DE LA CORRUPTION ET L’IMPUNITE


Un célèbre dicton dit : « les dons renforcent l’amitié ». s’étonnera-t-on jamais assez d’apprendre que celui qui fait don à quelqu’un d’autre d’une modique somme d’argent ou d’un simple cadeau en contrepartie d’un service rendu soit jugé de corrupteur et le bénéficiaire de corrompu ? Le système du pourboire paraît si courant dans les restaurants et les bars qu’il passe pour inscrit dans les mœurs sociales. Sa pratique le relègue au niveau d’un reflexe conditionné sans grand impact sur les normes de la moralité recherchée. Dans quelle mesure l’incluerait-on dans le sillon bien tracé de la corruption ? Le sentiment de désapprobation et les réactions criardes que suscite cette dernière accroissent la densité du sujet. En référence à la conclusion du rapport de fin d’année 2009 de l’ONG Tranparency International : « Aucune région du monde n’est à l’abri des dangers de la corruption », on s’aperçoit qu’il s’agit d’un type de relation humaine particulier qui épouse une dimension universelle et mérite qu’on s’attarde quelque peu sur la nature réelle du phénomène.

Le processus repose sur un accord entre deux personnes l’une le corrupteur aspire à des avantages sollicitant le service de l’autre, le corrompu qui espère recueillir le fruit indu de la prestation (rétribution, argent, cadeau,  plaisir etc…). des deux cotés, il y a compensation de la demande et de l’offre même si les valeurs reconnues à l’interaction ne s’équivalent pas au terme de l’échange.
A la réflexion, on convainc le sens commun d’admettre que le corrompu occupe une position privilégiée qui l’oblige par devoir à rendre service et que de ce fait la récompense du travail accompli pour lequel il est gratifié était déjà contenue dans sa rétribution. Aussi se fait-il payer un surplus sur son salaire, ce qu’on peut considérer comme un vol ou une escroquerie sur le dos de la société.

La question devient délicate quand l’accord ne résulte d’aucun contrat et qu’on ne réussit pas aisément à situer la frontière entre le réel et l’incertain d’autant que celui qui fait plaisir à autrui se fait plaisir à lui-même, qu’il peut apprécier un geste du cœur sans mesurer l’élan à travers lequel il fait plaisir en se donnant lui-même dans l’altruisme. Sous cet aspect complaisant, les acteurs affichent une indifférence marquée à tout jugement de valeur.

Mais à vrai dire, ces éléments de détail rendent le débat anodin et le réduisent à un simplisme déconcertant. Cependant cette démarche qui parait  banale amène à poser la problématique de la corruption. Il semblerait qu’on vient de  privilégier la piste de la psychologie relationnelle. Elle est insuffisante. L’approche sociologique embrassant dans sa globalité ses aspects socio politiques et socio-économiques satisfait mieux les données de l’analyse. Les institutions diverses qui se sont penchées sur la question ont procédé à des définitions nécessaires à son éclaircissement.

Une multiplicité de sens sous bonne garde institutionnelle

Quatre institutions ont défini la corruption selon la vision et les options fixées pour leurs activités respectives : Transparency International, Instances européennes, Banque Mondiale et Nations Unies.
Pour Transparency International ‘’ la corruption consiste en l’abus d’un pouvoir reçu en délégation à des fins privées’’. Cette définition permet de dégager trois éléments: l’abus de pouvoir qui signifie que l’on détient un pouvoir qu’on peut utiliser sans réserve à des fins exploitables, que ce pouvoir est censé provenir soit d’un secteur public, soit d’un secteur privé mais ne profitant pas nécessairement à son détenteur dans la mesure où ses proches, amis et parents peuvent en jouir.

Une de ses définitions tenant compte de l’idée d’abus de pouvoir lui assigne une finalité lucrative profitant uniquement au détenteur de ce pouvoir : « abus de pouvoir à finalité d’enrichissement personnel »
C’est sur la base de ces définitions que l’ONG Transparency International a publié en Mars 2004 une liste des dix chefs d’Etats les plus corrompus : Mohamed Suharto aurait ainsi détourné entre 15 et 35 millions de dollars Ferdinand Marcos entre 5 et 10 et Mobutu Sese Seko environ 5 milliards au temps où il était encore président du Zaïre. Au Canada des hommes politiques et des hauts fonctionnaires associés à l’administration du parti libéral du Gouvernement du pays étaient impliqués dans un scandale de plusieurs millions de fausses factures de programmes de commandites gouvernementales. L’argent était utilisé pour la réélection des candidats du parti 00ibéral.

L’explication que fournit l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : ‘’l’utilisation et l’abus du pouvoir public à des fins privées’’ semble se rapprocher quelque peu de la première définition précitée de l’ONG Transparency International avec toutefois cette différence qu’il s’agit uniquement du secteur public.

Quand au groupement multidisciplinaire sur la corruption du Conseil de l’Europe, il pose une alternative entre le secteur public et le secteur privé : «  La corruption est une rétribution illicite ou tout autre comportement à l’égard des personnes investies de responsabilité dans le secteur public ou le secteur privé qui contrevient aux devoirs qu’elles ont en vertu de leur statut d’agent d’Etat d’employé du secteur privé, d’agent indépendant ou d’un autre rapport de cette nature et qui vise à procurer des avantages indus de quelque nature qu’ils soient pour eux-mêmes ou pour un tiers ».
Cette définition semble la plus exhaustive dans la mesure où elle embrasse les détails importants sur la nature du phénomène en mettant l’accent sur des notions qui posent le caractère juridique en vertu duquel il faut recourir à une désapprobation morale et à une sanction pénale. Ces expressions
sont : ‘’rétribution illicite’’, ‘’personnes investies de responsabilité’’, ‘’qui contrevient aux devoirs’’ ‘’procurer des avantages indus’’ etc.

Après avoir défini la corruption comme la manière ‘’d’utiliser sa position de responsable d’un service public à son bénéfice personnel’’, la Banque Mondiale retient deux types de corruption : le premier, la « grande corruption » à haut niveau où les décideurs politiques créent et appliquent les lois, utilisent leur position officielle pour promouvoir leur bien-être, leur statut leur pouvoir personnel ; le second « la petite corruption » est bureaucratique dans l’administration publique. A partir de ces études elle avait montré qu’en 2001-2002, 1.000 milliards de dollars étaient détournés en pots-de-vin et que ce montant représente environ 3% des échanges de la planète pour cette même période.

Enfin, l’international de planification de l’UNESCO a étudié plus particulièrement la corruption dans l’éducation. Il la définit comme « une utilisation systématique d’une charge publique pour un avantage privé qui a un impact significatif sur la disponibilité des biens et services éducatifs et, en conséquence sur l’accès, la qualité ou l’équité de l’éducation ».

Le récapitulatif des définitions enregistrées sur la corruption permet-il de mieux cerner le débat précédemment engagé ? Il ne remet guère en cause la vétusté ni l’universalité de la corruption. Dans l’Empire Ottoman, on la désigne par « bakshish » et on l’utilise aussi pour  ‘‘pourboire’’ et c’est par ce second mot que nous avons ouvert le débat. Mais dans l’esprit du peuple Ottoman, on avait dû procéder à une analogie entre les deux termes même si une certaine différence s’interpose entre eux telle qu’elle ressort des caractéristiques que précise la Banque Mondiale au sujet de la corruption : les ‘’dessous de table’’ : versements à des responsables officiels afin qu’ils agissent vite, de façon plus souple et plus favorable; la ‘’fraude’’ : falsification de données, de facture, la collusion ; ‘‘l’extorsion’’ : l’argent obtenu  par la coercition ou la force ; le ‘’favoritisme’’ ou ‘’le népotisme’’ : le fait de favoriser des proches ; le « détournement de fonds » : vol de ressources publiques par des fonctionnaires, toutes ces formes caractéristiques provenant de causes diverses: mauvaise gouvernance : incompatibilité entre les trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire, manque de  transparence de responsabilité, de liberté de la presse ; absence d’une éthique professionnelle conséquente ; institutions faibles régies par des dirigeants impénitents à moralité douteuse ; faibles salaires : agent de l’administration publique, des policiers, des salariés mal ou peu rétribués » incapables de nourrir aisément leurs familles ou de subvenir à leurs besoins etc.…

L’impact Sociologique : la corruption dans les coulisses de la société

Deux questions l’insufflent quand l’analyse incite à en rechercher la cause profonde: L’attrait du gain facile est-il le facteur premier déterminant la cause fondamentale de la corruption ? Celle-ci révèle–telle purement et simplement la nature immorale des personnes vénales ?

Au  départ, on éprouvait la difficulté de situer la frontière entre le réel et l’incertain parce que faisant don à quelqu’un, on lui fait plaisir et on se fait plaisir à soi-même sans ressentir aucune contrainte. A présent, il se trouve que la corruption apparaît chaque fois que la frontière entre la logique administrative d’intérêt général et la logique économique d’intérêt privé s’estompe, disparaît et s’opère progressivement chez ceux qui sont liés par le respect des lois de la fonction publique l’adoption du sens des affaires dicté par l’esprit de la réussite et de l’enrichissement. C’est donc la contagion exercée par le secteur privé gagné par une forme de libéralisme excessif qui commande le goût de lucre qui incite à la corruption.  Ainsi l’enrichissement est la notion-clé qui encourage la corruption et assiste-t-on au passage des moins au plus. Les gens du premier camp l’acceptent  parce qu’elle facilite les choses, leur permet de profiter de passe-droit. Ceux du second, les entrepreneurs privés justifient le versement de sommes importantes aux dirigeants politiques du Tier-Monde par la nécessité de favoriser la balance commerciale. Ce processus accroît la corruption dans ce pays où les entreprises occidentales tentent de s’assurer de gros profits sur les richesses naturelles de ces derniers.

Or en s’attardant sur la corruption des élites administratives et privées on oubliera bien vite celle des élites politiques institutionnalisée pour financer les partis politiques ou les élections par l’attribution des marchés publics aux plus offrants. On se souvient à ce propos des récents procès de l’ancien ministre français de l’Intérieur M. Charles Pasqua concernant d’une part sa condamnation pour complicité d’abus de biens sociaux et recel consécutifs au pillage-plus de 5 millions d’euros de la Sofremi, société placée sous le contrôle du ministre de l’Intérieur et d’autre part sa condamnation  pour le financement de sa campagne des européennes de 1999 : l’affaire du Casino d’Annemasse en Haute-Savoie. Il était reproché à l’ancien ministre d’avoir donné le feu vert à la réouverture de ce casino en 1994 en échange d’un financement politique qui devait intervenir cinq ans plus tard. La justice de droit commun l’a condamné ainsi que les corrupteurs à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis.

Oubliera-t-on sur un autre plan les méthodes corruptrices de Charles Pasqua détenteur d’un réseau au sein de la Françafrique qui s’est souvent livré à un commerce illicite d’armes avec les dirigeants africains dont les territoires sont riches en matières premières pour combattre les rebelles qui s’opposent à leur dictature. On sait aujourd’hui que les guerres civiles africaines sont pour la plupart engendrées par cette institution d’exploitation du vieux continent.

Un autre cas non moins intéressant nous rappelle la corruption au cœur des élections roumaines de Novembre-Décembre 2009. Traian Basescu, ancien capitaine de vaisseau élu à la tête de la Roumanie en 2004 a profité de la présidentielle de 2009 pour organiser un referendum et demander aux Roumains de se prononcer en faveur de la suppression de l’une des deux chambres du Parlement et de réduire le nombre des parlementaires de 471 à 300. Lassés de leur classe politique largement corrompue,88% des votants ont répondu « oui » à sa proposition. On peut dire qu’ici l’éthique du peuple à triomphé de la corruption par son vote-sanction.

La corruption, entrave à la liberté démocratique

Montesquieu demeure aujourd’hui encore l’une des figures de référence en sociologie politique et on peut dire que sa pensée politique héritée du système anglais a immortalisé son nom en démocratie où le principe de la séparation des pouvoirs est régi par la règle du ‘’pouvoir arrête le pouvoir’’. Des trois types de régimes politiques étudiés, il a mis en lumière leurs caractéristiques : la monarchie, le despotisme et la démocratie. La réflexion éclairant ces formes de gouvernement montre que deux d’entre elles sont exposées à la corruption parce qu’elles sont conditionnées par la privation de liberté propice à l’accès à la dépravation. Dans la monarchie, le roi détient seul le pouvoir, disons tous les pouvoirs d’administration du pays, du peuple sans être tenu de rendre compte à qui que ce soit et s’appuie sur l’honneur. L’expression ‘’absolutisme royal’’ explique l’indépendance de ce régime politique axé sur l’honneur et le prestige d’un seul homme et exige le recours à des dépenses folles et au luxe qui ruinent la prospérité du pays. D’un autre côté, le despotisme reposant sur une autorité tyrannique concentre tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, reste lui aussi ouvert à la corruption en ce sens que selon Montesquieu, il insuffle au peuple le sentiment de crainte, la peur. Qui peut oser braver la dictature brutale, aveugle et féroce d’un despote en contestant l’exercice de son pouvoir corruptible sans encourir l’arrestation et la mort ? Dans ces conditions ces deux régimes politiques sont aisément ouverts à la corruption : les peuples privés de libertés ne peuvent réagir contre le pouvoir d’un seul libre d’exercer, de les manipuler à sa guise et selon bon vouloir.

Mais la démocratie révélant de la vertu, disposition permanente à faire le bien, recommande la sagesse du détenteur du pouvoir. On n’oubliera pas que les vives réactions des peuples contre l’arbitraire d’un seul homme ont conduit à la naissance de la République. On n’apprend pas un métier sans être soumis à l’apprentissage, dit Platon, mais chacun se rend aisément à l’assemblée du peuple et se considère capable d’émettre un avis sur les plus graves affaires de l’Etat. Tel est l’esprit qui régit la république consignant l’égalité de tous les citoyens devant ses lois. Cette égalité traduit la liberté républicaine. Mais celle-ci dans son approche collective est-elle exempte de corruption ?

En démocratie, le peuple est sollicité pour participer à la vie politique c’est-à-dire qu’il est appelé à prendre part aux manifestations de la chose publique :’’ La res publica’’, la république. En d’autres termes, la démocratie n’est possible ni en monarchie ni en despotisme ; elle n’est applicable qu’en République. Qu’en est-il alors du concept d’égalité reconnue à la démocratie et à la république ? En démocratie, le peuple ne prête son concours que par le biais des élections où il contribue à déléguer ses pouvoirs à ses représentants élus selon le principe de la majorité arithmétique ou majorité acquise par le candidat élu sur la base des données calculées, ce qui sous-entend que par son accord, il acquiesce au principe de la liberté démocratique. La République quant à elle, pose le principe de l’égalité juridique de tous les citoyens dans la gestion de la chose publique (égalité dans la liberté, dans la sécurité, dans l’éducation, dans le civisme etc.…).Dès lors, toute tentative de corruption au sein du régime démocratique porte atteinte au principe fondamental de la démocratie, l’égalité d’accès des citoyens aux marchés, aux emplois, aux services publics sans autres considérations que la capacité, le mérite, la compétence.

La corruption décrédibilise l’égalité légale acquise au sein de la République pour le compte  de la liberté des citoyens et qui devient ainsi l’expression de la liberté consignée dans l’euphorie des groupes sociaux et suppose donc un équilibre que risquent toutefois de perturber les inégalités sociales. La plupart des fonctionnaires corrompus sont souvent de rang modeste. Citons des exemples révélateurs comme le gardien de prison qui facilite les contacts des détenus avec l’extérieur, l’agent de la préfecture de police empreint de favoritisme à l’égard d’un individu en quête des documents nécessaires à la libre circulation sur le territoire qu’il habite.

A vrai dire, l’activité des hommes est sociale dans la mesure où du fait de la signification subjective que l’individu lui attache elle tient compte du comportement des autres et en est affectée dans son cours. Le choix de la profession serait déterminé par les particularités mentales que conditionnent le milieu et le type d’éducation reçue. La question véritable est de savoir de quelle éducation il s’agit : celle reçue au sein de sa famille ou celle dispensée dans la masse ? Celle-ci peut être diversement appréciée, soit qu’elle se confond avec la première, soit qu’elle prend un caractère civique. Mais que dire de l’idéologie empruntant les contours d’une éducation de masse  à la quelle on donne habilement les traits d’une éducation civique ? Il s’agit, en fait, d’opinions toutes faites semblables à des clichés, et qui peuvent être mécaniquement répétées sans avoir de fondement dans la réalité objective. Parfois ces représentations stéréotypées que l’individu ne reçoit pas de son expérience personnelle mais du milieu ambiant qui les lui communique inconsciemment pour en faire des certitudes inébranlables finissent par entrer en conflit avec l’éducation familiale. Les systèmes totalitaires en avaient donné des exemples patents et l’on se souvient encore du cas des ‘’Quadravenci’’, jeunes de huit ans enrôles dans l’armée italienne par Benito Mussolini :’’Je prends l’enfant dès sa naissance dit-il, et ne l’abandonne qu’au moment de sa mort, moment où ils appartient au pape de s’en occuper’’.L’échec  de cette éducation n’est plus à démontrer puisque le peuple italien pendit le dictateur Mussolini. Dans ce cas, peut-on voir dans l’éducation dictatoriale la solution  plausible d’éradiquer la corruption ? Répondre par l’affirmative  à cette question reviendrait à admettre que le remède à ce fléau résiderait dans la privation de la liberté. Or celle-ci est un bien si précieux inhérent à la nature humaine que la société ne souhaiterait la troquer sous aucun prétexte contre toute vilenie promue à sa déchéance.

Mais si la démocratie prône la vertu, la sagesse et une large part à la liberté, quel moyen propose-t-elle pour l’éradication de la corruption ? Le sociologue Max Weber avait établi un lien étroit entre la corruption et la démocratie laissant entendre par là l’apparition de professionnels de la politique qui vivent ‘’de la politique’’ et non pas ‘’pour la politique’’. Apparemment, il semblerait que les hommes neufs, issus de milieux modestes sont sensibles à la corruption car ils y voient un instrument de rapide mobilité, voire d’ascension sociale. Mais n’est-il pas plus difficile  de prouver la corruption dès lors qu’il n’y a pas d’échanges monétaires directs ce qui est plutôt le cas dans les affaires de corruption de haut vol ?

Va-t-on s’autoriser à discerner differentes catégories de corruption en considérant des sommes faibles sans commune  mesure avec celles énormes que mettent en jeu les détournements d’attribution de marchés publics ? Tout dépend de la nature, de la dimension des postes occupés par les citoyens. Il est évident que ceux qui occuperaient des postes modestes ou moins grandioses se contenteront de modiques sommes alors que des citoyens mêmes modestes haut placés en position privilégiée ou stratégique n’hésiteront pas à détourner massivement. Il est donc loisible de reconnaître qu’il n’y a pas que des gens de milieux modestes seuls qui peuvent recourir à la corruption pour améliorer leurs conditions sociales. La proximité avec les milieux d’argent présente un péril tentateur aux citoyens d’éducation flottante ou fragile.

L’opinion qui se dégage de la pensée weberienne associant ou du moins reliant assez étroitement la corruption et la vie politique des démocraties inclinerait à y voir l’idée que seule une classe de politiciens jouissant d’une fortune personnelle pourrait rendre à la politique sa pureté. L’opinion publique a parfois soutenu cette idée qu’il vaudrait plutôt laisser au pouvoir celui qui, rompu aux vices de la corruption, a acquis une certaine opulence qu’un nouveau venu qui en ferait à son tour l’apprentissage et pillerait les caisses de l’Etat. C’est à croire que le riche ait jamais eu l’autosuffisance d’accroître sa fortune : autant il est riche, autant il entend le demeurer et de ce fait doit savoir cultiver la corruption. La pensée de Weber suggère l’aristocratie des riches, soit en fait, une oligarchie au pouvoir pour garantir à la démocratie sa pureté.

En résumé, la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme, que ce soit le monarque ou le despote est source de corruption puisqu’ils ne trouvent pas en face d’eux un ‘’pouvoir qui arrête leur pouvoir’’. Avec les régimes totalitaires rigoureux et fortement disciplinés, il y a privation de la liberté des citoyens. La démocratie qui en prône la garantie donne le pouvoir à l’oligarchie des grands fortunés pour mieux combattre la corruption, s’il faut en croire Weber. Le principe d’égalité de tous les citoyens d’une nation devant les lois de la République exclut la fortune comme mode ou condition d’accès à la citoyenneté. On pourrait objecter cependant que les hommes sont tous des citoyens égaux devant les lois de la République mais que ce sont leurs semblables qui gèrent le pouvoir au nom de la démocratie. Certes, mais en démocratie, le peuple ne prête son concours que par le biais des élections où il contribue à déléguer ses pouvoirs à ses représentants élus selon le principe de la majorité calculée. Or il n’a jamais élu ses représentants sur la base de leurs conditions de fortune. Et sur quel programme ou plate-forme politique reposerait la représentativité de ceux-ci ? Dans quelle mesure l’état de fortune peut-il acquérir la valeur morale d’une vertu censée conférer  à une classe de dirigeants fortunés la sagesse de restituer la liberté et l’égalité juridiques à leurs concitoyens ? L’expérience nous a plutôt habitué à vivre la situation contraire avec la mafia qui, malgré son organisation fortement structurée a toujours voulu s’emparer du pouvoir sans jamais y parvenir parce que le mode d’acquisition de sa richesse douteuse et frauduleuse a été souvent combattu par la démocratie. Car de toutes façons qui dit mafia dit corruption. L’exemple choisi se révèlerait-il particulier ou exceptionnel, des hommes fortunés même sains d’esprit n’en feraient pas l’affaire, d’autant qu’ils constitueraient à la tête de l’Etat une oligarchie d’hommes d’affaires dont le souci majeur reviendrait à fructifier leurs capitaux pour leur profit, privilégiant la corruption pour le malheur du peuple. Ils n’y perpétueront leur règne qu’en versant dans la dictature.

Promoteur d’une ‘’sociologie de la compréhension’’ qui étudie ‘’les phénomènes sociaux en se référant à des types idéaux’’, Max Weber a tenté dans ‘’l’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme’’, de ‘’comprendre’’  comment des hommes imbus de religion, respectueux d’une éthique décente prônant le bien et la charité pourraient gérer une entreprise de tendance capitaliste orientée vers la recherche constante du profit. Une quête de profit, source permanente de conflits d’intérêts ne saurait être exempte de corruption. Est-ce à dire que les groupes religieux ne respectent pas scrupuleusement les enseignements prescrits par la foi chrétienne ? L’esprit de dissidence insufflé dans le christianisme par le protestantisme en serait-il pour quelque chose ?

L’explication qu’en donne Weber s’inscrit dans sa référence à l’histoire : il constate que dès le 16è siècle, les régions du Reich les plus riches étaient passées au protestantisme et qu’au début du siècle une majorité de protestants ont été chefs d’entreprises en Allemagne. Mais Weber voit-il dans la religion la cause de la relation qu’il entrevoit entre corruption et démocratie ? En principe recommandant à ses fidèles la vertu, la religion devrait rejoindre sur ce point la démocratie qui prône elle aussi la vertu une disposition permanente à faire le bien, la sagesse à mener à bien les affaires de l’Etat, le redressement moral de la vie des citoyens. Un homme vertueux, doté d’une éducation civique digne d’un citoyen accompli devrait par conséquent combattre la corruption, œuvrant ainsi pour l’avènement de la démocratie. Or Weber trouve plutôt un lien assez étroit entre les deux. Et le point culminant du débat suggère la proposition d’une classe de politiciens jouissant d’une fortune personnelle capable de rendre à la politique sa pureté au niveau démocratique. Cette vision weberienne relevant d’une utopie présente au sujet de la corruption une aporie qui rend la question de son remède insoluble.

La corruption, pierre d’achoppement du développement africain

En 50 ans d’indépendance le baromètre capable de donner la mesure du temps d’évolution et du progrès est le développement, concept ambigu embrassant ceux de sous-développement, de développement endogène, de Co-développement, de développement durable etc.… si l’on n’arrive pas souvent à se retrouver dans l’amas diffus des significations multiples , il apparaît malgré tout que les dirigeants africains de ce demi-siècle ont été mal appréciés pour gestion d’activités politiques désastreuses.

Recherchant les causes profondes qui ont engendré la corruption en Afrique depuis un demi-siècle pour mieux y remédier, on ne saurait passer sous silence les éléments qui en constituent l’ossature : la mal gouvernance commandée par l’absence de démocratie et la confiscation du pouvoir pour assouvir l’intérêt personnel des dirigeants, le phénomène d’assimilation, le régionalisme etc…

On sait déjà que lorsque deux groupes sociaux entrent en contact du fait de la conquête ou de la colonisation il peut y avoir des modifications culturelles entre deux sociétés différentes. Il s’agit là d’acculturation qu’on a étudiée diversement. Certains anthropologues ont insisté sur son caractère bilatéral mais reconnaissent qu’il n’y a pas toujours réciprocité dans la transmission des archétypes culturels. D’autres ont démontré le fait que la décolonisation, la négation de la ‘’situation coloniale’’ exigerait que ce complexe soit ‘’déstructuré’’ puis ‘’restructuré’’ selon un ordre nouveau.

Ainsi donc il est à souligner que la plupart des pays africains ont adopté une forme d’assimilation résultant du mode de vie occidental. N’a-t-on pas souvent dit que leurs constitutions sont des copies certifiées conformes de celles des pays européens ? Mais cette assimilation est-elle simplement naturelle, voulue ou forcée ? Si voulue, leur ordonne-t-elle de recopier point par point les travers sociaux connus en Occident ? Celui-ci serait exonéré de corruption qu’on n’hésiterait pas à lui assigner l’étiquette ‘’made in Africa’’. Or en référence à l’assertion précitée de Transparency International, « aucune région du monde n’est à l’abri des dangers de la corruption » (rapport annuel de 2009).

C’est donc un malaise, un fléau qui menace le monde et son caractère universel dénote l’incurabilité d’une maladie qui fait corps avec notre vie sociale au point qu’on est enclin à croire qu’elle est innée en nous. On dirait que le créateur avait maudit le genre humain en mettant à l’épreuve son intelligence si souvent mise à l’œuvre dans ses multiples tentatives de domination du monde scientifique. Les hommes font certes l’histoire mais ne pas éradiquer au niveau de leur intelligence un drame qui secoue les sociétés du monde semble un défi lancé à leur propre destinée.

L’inconscience, voire l’inconséquence des Africains qui après la décolonisation, auraient trouvé le moyen d’insuffler un sang nouveau à leur continent sorti exsangue des pillages coloniaux mais avaient manqué à leur vocation en cherchant à imiter à tout prix l’occident. Ils commettent alors les mêmes exactions qu’ils reprochaient eux-mêmes jadis à l’occupant européen. pas de démocratie, conservation du pouvoir à titre personnel avec l’appui de l’ancienne métropole afin de jouir inlassablement des prérogatives attachées à leur rang de dirigeants politiques ont été leurs préoccupations majeures à la tête de l’Etat. Mais pour y parvenir, il faudrait s’en donner les moyens dont le principal est la corruption, les détournements des biens publics, le péculat pour soudoyer les adeptes du régionalisme et favoriser le clientélisme qu’il genère pour continuer d’applaudir le héros de leur région.

A vouloir mener une vie de prestige ils ont fait montre d’un luxe insolent à couper le souffle aux observateurs politiques et à défrayer la chronique qui a souvent mis bas la renommée des Africains au niveau international. En signe d’aisance, ils ont pour la plupart acquis de luxueux appartements et des villas situés sur les somptueuses avenues des capitales européennes. N’y a-t-il pas là une forme d’opulence exprimant un phénomène d’imitation à l’échelle des ‘’grands’’ de ce monde alors qu’ils transportent partout avec eux le label de ressortissants de pays sous-développés ?

On connaît de triste mémoire le cas de l’ancien chef d’Etat Zaïrois Mobutu Sese Seko qui avait acheté presque partout en Europe des maisons avec l’argent du peuple Zaïrois et qui prétendait ne rien lui devoir. En Juin 2007, une enquête fut lancée à la suite d’une plainte déposée par trois organisations non gouvernementales : Sherpa, Survie et la Fédération des Congolais de la Diaspora, alléguant que des familles dirigeantes d’Angola, du Burkina-Faso, du Congo-Brazzaville, de la Guinée Equatoriale et du Gabon avaient acquis des biens en France pour des millions d’euros, sommes qui ne pouvaient provenir du fruit de leurs salaires officiels. Ces organisations ont mené une campagne contre le manque de transparence, la corruption et le détournement des biens publics en Afrique, particulièrement les pays africains riches en ressources naturelles.

Les policiers qui menaient l’enquête soulignèrent que la plainte visait cinq chefs d’Etat : le gabonais Omar Bongo Ondimba, le congolais Denis Sassou Nguesso, le burkinabé Blaise Compaoré,

l’angolais Eduardo Dos Santos et le guinéen Teodoro Obiang. Le patrimoine immobilier est surtout localisé ‘’dans des quartiers à forte valeur marchande : Paris 16è, 8è et 7è arrondissements pour Omar Bongo et son épouse, Paris 16è et Neuilly-sur-Seine pour Jeff Bongo (un des fils d’Omar Bongo), le Vésinet, pour le frère de Denis Sassou NGuesso, Courbevoie pour Wilfried NGuesso (le neveu du président du Congo) ou Paris 16è pour Chantal Compaoré (épouse du président Burkinabé)’’…  « Au total, sont répertoriés 33 biens (appartements, hôtel particulier et maisons) appartenant au gabonais Omar Bongo ou à sa famille et 18 autres dont le président Congolais et ses proches sont propriétaires. Le patrimoine de loin le plus imposant concerne Bongo lui-même. Son nom est associé à pas moins de 17 propriétés immobilières dont deux appartements, Avenue Foch et, un dans le 16è arrondissement, trois maisons et d’une piscine, à Nice, une propriété est constituée de deux appartements précise le procès verbal.

Parfois l’audace de certains hommes africains au pouvoir de persévérer dans la pratique de la corruption peut ouvrir une crise diplomatique entre Etats. C’est le cas de l’affaire Millicom qui oppose aujourd’hui l’Etat Sénégalais à l’entreprise qui n’a pas encore connu son dénouement prévu pour la mi-2011. La simple renégociation du prix d’acquisition d’une licence de téléphonie mobile au Sénégal, obtenue en 1998, s’est muée en scandale politique. Car au-delà du bras de fer engagé entre Dakar et les dirigeants américains de la société de télécoms, Karim Wade, l’actuel ministre d’Etat et fils du président est accusé d’avoir réclamé 200 millions de dollars pour son compte personnel au président de Millicom en échange du maintien de la licence au moment de sa renégociation en 2008 pour l’obtention d’un prix d’achat plus en adéquation avec celui du marché comme cela a pu se faire entre autres au Bénin ou en Côte d’Ivoire. A ce propos, Mark Beuls, président directeur général de Millicom à l’époque rencontre dans un palace parisien Karim Wade et Thierno Ousmane SY, conseiller spécial aux nouvelles technologies. Au cours de cette rencontre Beuls arguant de son bon droit explique que son entreprise dispose d’une licence en bonne et due forme et refuse finalement d’en revoir le prix. Nouvelles rencontres en Mai et Juillet 2009 : Millicom propose 60 millions puis 100 millions de dollars. Refus du Sénégal. En vérité, une simple bataille juridique entre un Etat et une entreprise soucieux de défendre leurs intérêts respectifs prend une nouvelle tournure quand Février 2010 un site d’information américain publie un article intitulé : « The joy of doing business in Africa : how corrupt Senegalese politicians tried to shake down Millicom for $200 millions ». L’article accuse plus précisément Karim Wade et Thierno Ousmane SY d’avoir réclamé 200 millions de dollars, à titre personnel à Mark Beuls contre le maintien de la licence.

S’inspirant de cet article, un sénateur américain, Arlen Specter saisit le directeur général du Millénium Challenge Corporation (MCC), un programme américain qui octroie une aide de 540 millions de dollars au Sénégal et à d’autres pays pauvres conditionnée au respect de certains critères (bonne gouvernance, lutte contre la corruption, respect des droits de l’homme etc…).

Une démarche identique est entreprise par le représentant républicain Ed Royce auprès de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Des membres du congrès américain soulignent en outre que les Etats-Unis sont ‘’bien mal récompensés de leur soutien par un Abdoulaye Wade qui déroule le tapis rouge à l’Iran d’Ahmadinejad’’.

Au Bénin, on a assisté, douze ans après le début des indépendances à la naissance d’une révolution militaro-marxiste.

Cette période de l’histoire béninoise qui a duré dix-sept bonnes années a tourné à une farce politique ou à une sinistre comédie : l’idéologie officiellement proclamée mais mal assimilée exalte Karl Marx, l’initiateur du mouvement communiste au 19è siècle. Il s’agissait pour ses promoteurs de rétablir l’éthique sociale que douze ans d’indépendance ont engloutie sous les méandres de l’aliénation et du déséquilibre social.

La pire des corruptions, c’est d’abord le viol des foules. On adule le peuple et tout en abusant de sa bonne foi, on lui demande la permission tacite de parler en son nom et au nom de ses intérêts, puis on l’intègre à un système de participation de la vie politique comme pour lui dire qu’il est concerné au premier chef et qu’il peut traverser aisément le cap de ses vicissitudes pour retrouver son bien-être alors qu’il est réduit par psittacisme à proférer des slogans incantatoires qui lui donneront le droit au consentement de se taire devant les égarements amusés de la souveraine révolution. Allez donc confier au chef ou guide que tel ou tel a détourné des fonds publics, il vous répondra : « avez-vous perdu de l’argent ou quelque chose? Allez porter plainte ! ». Les vannes ainsi ouvertes la corruption est légitimée. Dans les bureaux de l’administration, on accueille avec bienveillance et d’une main facile les dessous de table. Aux carrefours des rues, sur les grands axes routiers, on rançonne les conducteurs, les chauffeurs de taxis ou de camions. Osez protester, s’il vous plaît ! Des gendarmes ou des gardes de la sécurité routière rétorqueront : « là-haut, on mange à la cuillère ; ici nous nous contentons d’une simple fourchette. Si vous n’êtes pas d’accord, allez vous plaindre à qui de droit». Ce fut le régime politique de célèbres affaires : affaire Kovacs, affaire Cissé, affaire Aïkpé etc…

Hélas, plut-il au ciel ! ‘’Le grand camarade de lutte’’ reviendra au pouvoir dans des circonstances floues, dit-on, mais plébiscité tout de même pour refaire le bonheur des inconditionnels coalisés de la société des corrompus. Le bilan du second retour de l’ancien président révolutionnaire tel qu’il ressortait de la déclaration de Mme Adjaï Cica responsable de la cellule de la Moralisation de la Vie Publique (CMVP) organe éthique mis en place pour lutter contre la corruption: « 95% des ministres de la République sont corrompus ». Et J. Carlos précisait : « nous étions au terme du second quinquennat de Mathieu Kerekou à la tête de l’Etat ». En vérité pour parvenir à un tel résultat à la fin d’un mandat présidentiel, une certaine conception de la politique doit en répondre et on peut alors dire qu’on a assisté à une course effrénée au pouvoir d’aspirants qui ont opté pour une conception nouvelle de la notion de politique devenue en somme la science qui parle un faux langage, une science du gain axée sur la recherche de prérogatives personnelles qui aiguisent la convoitise, l’envie et l’ambition démesurée de protagonistes déchaînés rêvant d’accéder à n’importe quel prix au pouvoir sans être emportés par le souci majeur de garantir au peuple ses droits et ses intérêts. Bien évidemment une telle démarche suscite une forme de concurrence aveugle sujette à corruption. Il est frappant que malgré la mauvaise gestion des charges de l’Etat qui leur incombait au cours de leur mandat les ministres du second quinquennat de Kerekou avaient démissionné de leurs postes un an près de l’élection présidentielle de 2006 pour se lancer dans des campagnes politiques qui devraient les investir présidents ou chefs d’Etat. Leur réaction grotesque à la désapprobation des masses populaires qui les avaient suivis dans les meetings: « on ne saurait être président sans avoir jamais été ministre auparavant ». Que de scandales judiciaires ont éclaboussé ce second quinquennat de Kerekou ! On se souvient de tristes mémoires ‘’l’affaire des frais de justice criminelle’’ dans laquelle une centaine de magistrats, greffiers et receveurs, des hommes de loi donc en complicité avec les agents du trésor public étaient accusés de détournements et qui s’est soldée en Avril 2004 par la condamnation de 63 personnes. C’étaient, a-t-on pu dire ‘’le procès du siècle et la première fois dans l’histoire, le Bénin a présenté au monde le visage du ‘’pays de juges corrompus’’. Il y a eu également l’assassinat du président de la Cour d’Appel de Parakou et l’affaire Hamani homme d’affaires nigérien qui soudoyait des juges, leur procurait des véhicules recelés dans les pays voisins du Bénin et on a parlé à ce propos de la compromission de certains fils du dirigeant béninois.

Ailleurs, mais toujours en Afrique, des cas de corruption ont éclaté en Zambie en Juin 2009 où au cours d’une campagne sur le sida, 300 millions de dollars ont été détournés au ministère de la santé. ‘’Il faut rénover, dit le gouvernement Zambien la lutte anti-corruption’’.

Retient également l’attention de l’opinion internationale, le cas de Lamine Zen, ministre des finances sous Mamadou  Tandja au Niger : on a porté plainte contre lui pour dilapidation de fonds publics évalués à 3.000 milliards de francs répartis en frais de missions et de cadeaux. L’équipe de la junte militaire du gouvernement provisoire nigérien a déjà récupéré 2 milliards de francs dans ce dépôtoir pourri où la corruption a mis à sac la vie socio-économique du pays.

Les pays industrialisés ont leur part de responsabilité souligne Transparency  International. « Ils n’ont aucune raison de faire preuve de complaisance, car l’utilisation de pots-de-vin et la facilitation de la corruption sont souvent le fait d’entreprises basées chez eux ».

La lutte anti-corruption : le supplément d’âme des organismes de combat contre l’impunité

Toute société est appelée à se construire en se consolidant progressivement grâce aux garde-fous nécessaires à son évolution dans le temps. Il lui faut se doter d’un crédit politique, économico-social, spirituel, moral etc… pour s’assurer le gage de sa sécurité dont dépend sa survie. Cet ensemble constitue l’arsenal de confiance qui entretient la vie en commun de ses membres mais que fragilise malheureusement la corruption, le mal de vivre qui brandit son sceptre d’horreur sur l’humanité entière et l’empêche de maintenir le rempart de sa souveraineté dans la limite du respect dû aux instances internationales décidées à la combattre. Que faire donc ? Devant le danger, les hommes peuvent-ils et doivent-ils se croiser les bras et demeurer impassibles, inertes, sans réagir ? Ils ont réagi contre la corruption même s’ils ne sont jamais parvenus encore à l’éradiquer définitivement de la surface de la terre.

Le rapport précité de Transparency International a fait mention spéciale à l’Afrique subsaharienne : la corruption est caractéristique, ‘’perçue comme étant endémique’’ sévissant de façon permanente dans la région. Les remèdes envisagés pour l’enrayer différeraient-ils de ceux qu’on souhaiterait appliquer aux pays occidentaux?
La corruption repose sur une base commune, le processus est le même sous tous les cieux, même si les entreprises occidentales versent des sommes importantes aux responsables d’Etats du Tiers-Monde aux fins de favoriser la balance commerciale. Mais il faut reconnaître que certains éléments indiqués élisent des terrains propices à l’extension de la corruption dont la persistance réside dans l’impunité.

Pour analyser le contenu de l’impunité, on s’interroge sur le caractère exact des mesures prises pour lutter contre la corruption. Si elles ont un caractère purement juridique, on comprend souvent mal pourquoi eu égard à la loi on n’applique pas les sanctions qui y conviennent. Les raisons qui répondent à la question et qui englobent les éléments ci-dessus indiqués concernent trois points: le népotisme, le régionalisme, le laxisme des dirigeants des pays africains face à l’enrichissement illicite.

Le népotisme consiste à favoriser les membres de sa famille ou ses proches. Ce favoritisme revient souvent à absoudre l’agent corrompu sans lui infliger une sanction quelconque : ou on le laisse au poste pillé ou on le saute de la fonction qu’il occupe lorsque l’opinion publique saisie de l’affaire soulève un tollé général que redoutent souvent les dirigeants censés perdre à ce propos leur renommée et même leur place à la tête de l’Etat.
Le régionalisme peut être considéré aussi comme un facteur de corruption quand le représentant de l’Etat procède à des détournements de fonds publics pour s’ennoblir personnellement ou encourager le clientélisme régional en finançant les membres du même groupe ethnique pour l’aider à conserver longtemps le pouvoir. Et c’est pour se maintenir longtemps à la tête de l’Etat et jouir des prérogatives attachées à sa fonction qu’il laisse persister la corruption en omettant volontairement de faire voter les textes législatifs sur l’enrichissement illicite qui dorment dans les tiroirs des bureaux de l’Etat. Comment les réveiller de leur sommeil léthargique ?

Sur la base de la fortune des dictateurs et les complaisances des pays occidentaux on estime que plus de 120 milliards de dollars ont été détournés ces dix dernières années notamment à cause de la corruption. Une solution parmi d’autres proposées revient à placer les institutions spécialisées dans l’art de voler la société sous le contrôle d’une organisation internationale. Mais pourquoi donc n’y parviendra-t-on pas puisqu’après tout une organisation judiciaire internationale comme le Tribunal Pénal International juge les criminels de guerre? Car la corruption peut être considérée comme un crime économique.

En 1994, les ministres de la justice des Etats membres du Conseil de l’Europe (19è conférence, la Valette) ont convenu de la nécessité de traiter la corruption comme un phénomène qui menace gravement la stabilité des institutions démocratiques. En tant que principale institution européenne ayant vocation à défendre la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme, ce conseil a été chargé de trouver des réponses à ce fléau. La condition de lutte efficace contre la corruption, repose sur l’adoption d’une approche aussi exhaustive que possible de l’instauration d’un Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption (GMC) pour préparer un programme d’action global et élaborer des instruments juridiques dans ce domaine appuyés par un mécanisme de suivi pour les récalcitrants ou les récidivistes.

Ainsi sont nés les instruments suivants :
La Résolution (97) 24 portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption : ce texte recense sur la base d’une synthèse les éléments fondamentaux de toute politique anti-corruption ambitieuse et efficace.

La convention pénale sur la corruption (STE n° 173): traité fixant des obligations en matière d’incrimination de diverses formes de corruption, qu’il s’agisse du secteur public ou privé ou encore de la corruption nationale ou transnationale.

La convention civile sur la corruption (STE n° 174) a trait aux mécanismes de recours et d’indemnisation ouverts aux victimes de la corruption, nullité des contrats entachés par la corruption, introduction des mécanismes de protection professionnelle et autres des personnes signalant de bonne foi les soupçons de corruption.

La Recommandation N° R (2000) 10 sur les codes de conduite pour les agents publics. Ces codes offrent un modèle dont les gouvernements ou administrations individuelles peuvent s’inspirer.

Le protocole additionnel à la convention pénale sur la corruption (STE N°191). Ce traité étend le champ des incriminations de la corruption dans la convention pénale aux arbitres (en matière commerciale, civile ou autre) ainsi qu’aux jurés, ces deux catégories de personnes constituant des catégories complémentaires aux magistrats de l’ordre judiciaire.

La recommandation N° R (2003) 4 sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales: le texte unique en son genre au niveau international, de par les thèmes qu’il couvre et la portée des principes énoncés.

Né en Mai 1999, le groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) regroupe en Octobre 2009, 46 Etats y compris les Etats Unis d’Amérique.

L’option prise par la plupart des hommes du Tiers Monde durant les 50 dernières années d’indépendance a porté sur le développement. Mais peu d’entre eux en furent vraiment préoccupés. On s’en était rendu compte d’autant plus que la condition première de sa réalisation est la démocratie qu’on doit considérer à juste titre comme son fer de lance et elle a été absente du mode de vie des gouvernements.

Or ces derniers temps on a assisté à un avatar de démocratie : la cooptation. On choisit avant la fin du mandat du président en exercice un citoyen qui n’a jamais encore fait ses preuves et qu’on cherche à plébisciter à tout prix à la tête de l’Etat pour les prochaines élections. Il ne s’agit pas là d’une vraie démocratie. C’est la ‘’shadow democracy’’  des Anglo Saxons (la ‘’démocratie fantôme’’). Ainsi feint-on de substituer à démocratie cooptation pour continuer à gérer de façon imparable dans les coulisses le vice qui ronge à petits feux notre République : la corruption. L’inflexibilité du dirigeant en place déroute les inconditionnels dépravés, les insatiables corrompus qui rêvent de mettre à sac la nation. Et si d’aventure le nouveau venu ne répond pas à leur vœu, il sera décrié et remplacé par l’homme de la circonstance qui fera l’affaire.

En Avril  2006, un rapport sur la lutte contre la corruption dans les pays en développement a été approuvé par le parlement européen. Il y est écrit que la corruption représente un frein au développement dans ces pays et que de ce fait l’Union Européenne doit faire de la lutte contre la corruption un axe prioritaire de sa politique de développement. Les auteurs recommandent la création d’une liste noire des Etats et des représentants gouvernementaux corrompus, la suspension des prêts afin de prévenir les détournements de fonds publics, l’allocation d’une partie de l’aide au développement aux organismes de surveillance, une plus de transparence des programmes d’aide de l’Union Européenne qui représentent près de 55%  de l’aide publique internationale.

Tous ces efforts sont louables et pourtant la corruption demeure irréductible même dans les milieux judiciaires. En vérité est-il permis d’imaginer un instant que l’on puisse parler de corruption là où l’esprit humain a élevé un monument de décence à la gloire du serment que prêtent dès leur prise de fonction les hommes de loi pour asseoir dans l’opinion la confiance totale que leur accorde le peuple? Et le drame semble dépasser les limites de l’insolite quand même des pays avancés versent dans la bassesse par la concussion, tel par exemple le cas du Japon, « deuxième puissance économique mondiale dit J. Carlos qui a quasiment institutionnalisé la corruption au plus haut niveau de l’Etat, la plupart de ses Premiers Ministres finissant leur carrière sur un retentissant scandale » : l’incurabilité de cette maladie universelle contraint la République à se mettre en balance entre ‘’ le préférable et le détestable’’ pour parler comme J. Carlos. Par suite de la colonisation, le type de relation qui régit les rapports entre l’Occident et l’Afrique a tourné en un phénomène assimilateur qui incite les Africains à vouloir imiter à tout prix les Européens. Mais comment peut-on préférer ce qui défie moralement le progrès du genre humain et susceptible de l’entraîner à sa chute? Détester cela ne lui offre-t-il pas plutôt les garanties de la sauvegarde de son être au niveau moral ?

Servile est l’imitation qui s’inspire d’une contagion non murement réfléchie et qui contribue à faire de l’homme un automate. Et une imitation servile n’est pas salutaire pour l’Afrique. Ne lui faudrait-il pas rechercher et puiser dans ses traditions les valeurs morales qui pourraient l’aider à combler les carences du mode de vie que lui a proposé l’Europe surtout quand elle qui sert de modèle à imiter devient impuissante à trouver de solution paisible à des cas éprouvants comme celui de la corruption ? Frantz Fanon a été déjà plus explicite à cet égard : «essayons de créer l’homme entier que l’Europe s’est montrée incapable d’engendrer triomphalement ». Les traditions africaines ne comportent-elles pas des éléments de solutions pouvant parachever cet homme à moitié façonné dans le creuset d’une idéologie qui a contribué à faire de l’africain le nègre, une brute qui dissimule dans ‘’l’avidité de ses sensations le cachet frappant de son infériorité’’, bref un sous-homme ?

Certes en Afrique, l’absence de l’écriture range sous la coupole de l’oralité les délits passibles de sanctions, mais la foi qu’on leur accorde détermine la moralité des groupes sociaux et constitue dans la plupart des cas le code moral auquel on se réfère pour régler au mieux sa conduite au sein de la société. C’est ainsi que les traîtres, les perfides, les félons sont punis de mort et repérables par des signes caractéristiques de leur corps, exposant les familles à des injures graves.

Un ancien administrateur des colonies françaises racontait comment un inculpé contraint de jurer le nom du Dieu Suprême Mawu pour prouver son innocence s’exécutait volontiers même s’il était dans ses torts alors qu’il s’abstenait quand il s’agissait du dieu honoré dans sa famille ou dans son terroir. La raison était bien simple : il ne reconnaissait point la suprématie à ce dieu étranger forgé de toutes pièces par les pères Blancs pour les besoins du catéchisme mais redoutait la colère de celui vénéré et crédité par ses ancêtres.
Est-il loisible d’affirmer qu’un chef d’Etat africain versé dans les rites de la tradition et soumis par contrainte à l’interdiction de se livrer à la corruption lors de son accession au pouvoir dès l’indépendance de son pays trouverait l’occasion de lui offrir la chance de l’exonérer des aléas de ce fléau qui menace aujourd’hui la vie des peuples africains ? Certainement.

Espérons que de telles valeurs demeurent encore sous le sceau du secret consacré à des rites sacrés placés sous la bonne garde des dieux de nos panthéons. Puisse le maître des initiés nous aider à en faire un usage heureux dans des circonstances opportunes!

Cosme Zinsou Quenum

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